Les Partisans Kessel et Druon, une histoire de famille

Si Dominique Bona s’est taillé une place de première importance parmi les grands écrivains contemporains, c’est en partie grâce à son très grand talent dans la rédaction de biographies, même si elle a par ailleurs été récompensée en 1998 par le Prix Renaudot pour « le Manuscrit de Port Ébène » ou encore en 1992 par le Prix Interallié pour « Malika ». Pour mémoire, elle est élue à l’Académie Française en 2013.

Dans le registre des biographies où l’on sent la célèbre écrivaine parfaitement à l’aise, «Les Partisans Kessel et Druon, une histoire de famille », l’auteure frappe fort : il ne s’agit pas d’une seule biographie mais bien de trois auxquelles elle nous convie, en l’occurrence celles du « Lion » Joseph Kessel, de son non moins illustre neveu préféré Maurice Druon, mais aussi de Germaine Sablon, l’une des nombreuses muses de Kessel avec qui les liens affectifs et psychologiques tiendront bon bien que de façon plus sporadique pendant plusieurs décennies avant de s’étioler, Kessel n’étant pas réputé pour sa fidélité amoureuse…

Dans le livre, on rencontre les trois personnages en 1942, dans les Pyrénées Orientales à la frontière espagnole au moment où tous les trois ont décidé de tenter de quitter cette France en guerre où le gouvernement de Vichy et les occupants allemands commencent à étendre leurs exactions dans la zone non occupée. Ils sont décidés à fuir en Espagne pour arriver au Portugal et de là, rejoindre dès que possible la France de De Gaulle, à Londres, même si tous à l’époque ne partagent pas envers le Général des sentiments unanimement positifs. C’est à partir de cet instant que Dominique Bona évoque les origines de chacun, les éléments qui ont fait ces destins se croiser à plusieurs reprises, leur talent individuel mais aussi collectif, le ciment qui s’est créé entre eux, les influences des uns sur les autres, avec en 1943 la création de toute pièce du fameux Chant des Partisans dont il est fait état dans le titre.

Quand on attaque la lecture de ce pavé de plus de 500 pages, c’est presque tout le vingtième siècle qu’on parcourt avec intérêt en découvrant l’intensité des existences de ces trois personnages centraux et toutes les galaxies de militaires, politiciens, historiens, vedettes de la chanson, auteurs, compositeurs ou écrivains, au gré de leurs rencontres et voyages. Dominique Bona passionne sans lasser, mais malgré une certaine admiration ressentie et diffusée, jamais elle ne cède à l’hagiographie, notamment en ce qui concerne le personnage de Druon dont la reconnaissance du talent et son incroyable parcours sociétal semblent lui avoir fait perdre tout sens d’humilité et de respect à l’égard du commun des mortels, bref à l’opposé de tout ce qui l’a inspiré au début de sa vie, dans le sillage de son oncle bienveillant mais à la personnalité un peu trop voyante.

Hormis quelques passages notamment concernant certaines frasques de Kessel et les réflexions de Druon lorsqu’est évoquée sa passion pour l’antiquité et les philosophes grecs, « Les Partisans Kessel et Druon, une histoire de famille » se dévore comme un roman avec trois héros pur jus. Un ouvrage merveilleusement documenté et passionnant.