Meursault contre-enquête – Kamel Daoud

Goncourt du premier roman 2015

Aujourd’hui, Kamel Daoud est devenu un écrivain de grand renom, puisque le Prix Goncourt 2024 a été attribué à son dernier roman ‘Houris’. Mais il y a un peu plus de 10 ans, c’est par le biais d’une autre œuvre qu’il s’est fait connaître : ‘Meursault, contre-enquête’, écrit comme un contrepoint à retardement au célèbre roman d’Albert Camus, ‘L’étranger’, paru en 1942. Sacrée gageure pour Kamel Daoud que de se replonger dans cette histoire qui remonte 70 ans en arrière ! Son personnage central, c’est Haroun, le frère cadet de ‘l’Arabe’- qu’il nomme ici Moussa – tué chez Camus sur une plage d’Alger par un certain Meursault… Haroun est désormais un vieux Monsieur qui ressasse chaque soir dans un bar d’Oran ses rancœurs, mais nous fait part également de ses sentiments vis-à-vis de ce frère somme toute peu connu et de cette mère qui les a élevés sans pour autant leur prodiguer d’amour. Avec les années qui ont passé, l’Algérie elle aussi a beaucoup changé : Haroun évoque les difficultés qu’il a rencontrées pour murir et assumer cette vie dans l’ombre d’un défunt. ‘Meursault contre-enquête’ se lit comme un ouvrage qui sert à exorciser le passé, mais aussi à expliquer la frustration ressentie au quotidien et là même, à évoquer le problème de l’identité dans ce pays longtemps colonisé mais qui ne semble pas plus désormais apporter satisfaction à Haroun qui rejette aussi la société actuelle qui s’est désormais orientée vers le culte religieux.

Si bien sûr l’analyse est intéressante, la lecture de ‘Meursault contre-enquête’ s’avère très âpre, d’autant que certains chapitres semblent parfois redondants…Mais il faut admettre que ce premier roman de l’écrivain journaliste algérien Kamel Daoud est plutôt gonflé, tant il ne s’agit pas que d’une banale digression, mais bien d’un ouvrage de réflexion sur ce personnage de ‘L’Arabe’ dont on sait finalement peu de choses dans ‘L’étranger’. Kamel Daoud se réapproprie Camus, en ne ménageant pas ses critiques et en faisant clairement apparaître une colère profondément enfouie.