La Cité aux murs incertains

La parution d’un nouvel ouvrage du célèbre écrivain japonais constitue un véritable évènement tant cet auteur jadis prolifique se fait rare. En effet, 7 ans se sont écoulés depuis la sortie de son dernier ouvrage. Cette fois cependant, pour mieux aborder « la Cité aux murs incertains », son nouveau roman fleuve, il n’est pas inutile de lire la postface de l’auteur, pour mieux en appréhender la genèse.

Au départ, il y a l’histoire d’amour tendre et platonique entre deux adolescents presque adultes : elle a 16 ans, il en a 17. Lui, c’est le narrateur. Il est étudiant et fou amoureux d’elle qui de son côté marque de la réserve, et lui parle, comme si elle y était coutumière, d’une étrange Cité entourée de hauts murs dans laquelle il est difficile de rentrer, mais surtout ‘en sortir. Serait-il prêt à tenter d’y entrer pour découvrir son véritable moi, comme un défi à relever pour prouver la profondeur de cet amour ? L’amoureux déboussolé par la disparition de sa dulcinée va partir à sa recherche, et pénétrer dans cette Cité, avec les contraintes sous-jacentes : le détachement de son ombre comme pour tous les habitants de cette étrange Cité où le temps ne compte plus, les souffrances assenées à ses yeux qui ne supportent plus la lumière violente…Monde décalé et paisible où il devient liseur de vieux rêves dans une vieille bibliothèque…

Qu’en est-il vraiment de ce monde qu’on dirait parallèle à celui qu’on connait au quotidien ? Quelle est la part d’invention et de rêve dans la préhension de cette nouvelle vie ? Jusqu’où peut-on aller par amour ? Quelle est l’influence de la lecture sur le comportement et sur l’amour ? A qui peut-on se confier à propos de ses doutes, de ses envies ou de ses regrets ? Existe-t-il un stade ultime très temporaire entre la vie et la mort physique, au cours duquel l’âme pourrait encore survivre et les ‘fantômes’ des défunts entrer en communication avec les vivants ?

Tous ces thèmes se retrouvent en abondance au cœur de ce nouveau roman fleuve (plus de 500 pages, tout de même), sous une forme ou une autre, mais sans que dans les différentes parties du roman apportent de véritables réponses en la matière. Bref, on tourne beaucoup en rond, même si le texte est magnifiquement écrit (et traduit !) et que la poésie est omniprésente. Pourtant, on finirait même par trouver le propos lassant…Et il s’avère que « La cité aux murs incertains » est une refonte avec certes de nouveaux développements d’une nouvelle rédigée par Murakami en 1980 qui n’a jamais été publiée. D’où peut être un côté suranné à ce conte fantastique divisé en trois parties, dont une seule réaliste et deux autres oniriques, qui pour la plupart du temps se déroulent dans un hiver quasi sans fin. Au fil du livre, les frontières spatio-temporelles sont abolies peu à peu et l’on flotte alors dans un entre-deux. Même si on retrouve les thèmes chers à Murakami, à savoir, la solitude, le deuil, la quête de soi, on regrette qu’à aucun moment il n’y ait une réelle prise de hauteur par Murakami sur ces thèmes…

Un nouveau roman certes à découvrir mais qui ne sera jamais à la hauteur de ce que cet auteur génial a déjà produit.