Les naufragés du Wager

David Grann est un journaliste écrivain américain qui nous a gratifiés lors de la dernière rentrée littéraire d’un long ouvrage qui tient de l’épopée et du document historique. Ce travail de fourmi foisonnant de détails véridiques relate le naufrage en 1741 du Wager, vaisseau royal de guerre britannique le au large de la Patagonie, peu de temps après avoir franchi le mortifère Cap Horn.

Il faut dire qu’à cette époque, les colons britanniques cherchaient à s’approprier de nombreux comptoirs et toutes sortes de richesses dérobées aux autochtones, engagés dans une véritable course contre la montre pour surpasser les Espagnols dans la conquête du monde. Le Wager, de son côté faisait partie d’une flottille secrète lourdement armée dont le but ultime était de piller les cargaisons de ces fameux galions espagnols…

Le récit démarre donc en Angleterre en 1740, à l’époque où se constituent les équipages de marins prêts à tenter l’aventure, recrutés çà et là dans les tavernes ou plus souvent parmi les familles souvent modestes qui espèrent qu’à l’issue du voyage, le marin enrôlé reviendra un peu plus argenté…Après quelque retard au départ, on est invité à participer à la traversée de la flottille qui va se terminer pour le Wager par un naufrage, mais aussi par une débandade au niveau des équipes, décimées par le scorbut, la malnutrition ou le froid, qui vont se mutiner avant de faire sécession. Le récit raconte les atrocités commises au sein des quelques rescapés, les meurtres en guise de règlements de compte, le cannibalisme, leur dénuement, avant qu’une poignée d’entre eux après plusieurs années d’absence et de souffrance ne parviennent à revenir en Angleterre. Retour par petits groupes espacés dans le temps, alors que l’espoir de retrouver des survivants avait totalement disparu…Mais le livre traite également dans une ultime partie de la fin de l’épopée et de la façon dont les procès en cours martiale pour mutinerie se déroulent, sachant que les accusés sont passibles de pendaison.

On comprend que David Grann, grand romancier (13 livres à son actif, dont ‘Killers of the Flower Moon » adapté au cinéma par Martin Scorcese, qui s’est aussi porté acquéreur des droits d’adaptation de ces ‘Naufragés du Wager ») est un spécialiste et un passionné du continent sud-américain, notamment par le biais des descriptions géographiques et ethniques qu’il nous propose lorsque les naufragés tentent de survivre dans un univers hostile. Il est clair que ce récit découle d’une analyse approfondie de tous les témoignages et ouvrages publiés, rapports juridiques et carnets de bord portés au dossier qui plongent le lecteur dans la réalité de ce foisonnant ouvrage de « non-fiction ». Peut-être justement une des raisons pour lesquelles cet ouvrage certes magnifiquement écrit manque pour moi d’un souffle épique.